L’iPad ou la tablette magique*

Non, il ne s’agit pas là d’un autre article sur la tablette d’Apple, l’iPad, pour ne pas la nommer. Non, je ne vais pas faire les louanges d’un produit que je n’ai pas — encore — essayé. J’ai plutôt envie d’exposer mon point de vue sur l’impact (s’il y en ait un) de la sortie française du produit pommé. Apple fait espérer la presse écrite que l’heure du renouveau est arrivée.

L’iPad est vu comme le messie, la réponse à tous les maux d’un secteur en crise. En effet, pour la presse écrite, c’est le format qui est essentiellement à l’origine de la rupture du contrat traditionnel entre le lecteur et le journaliste. La presse espère que l’iPad va être l’élément déclencheur d’une nouvelle consommation de contenu éditorial grâce à la technologie de l’iPad et son AppStore (et des In-App Purchases, comprenez des achats d’applications intégrés) qui a déjà fait ses preuves avec l’iPhone et son milliard de téléchargements.

Une opportunité s’est créée par le développement de ce nouveau produit, c’est indéniable. Toutefois, pour mener à bien cette transformation, la presse doit interpréter de nouveaux usages qui influenceront l’iPad via son écosystème, et non l’inverse. La création de contenu enrichis par le tactile, l’intégration de vidéos, vont s’intensifier; Suggérant alors de nouvelles expériences pour l’utilisateur que l’on peut très vite associées à de nouveaux revenus (Serez-vous prêt à payer pour un magazine sur iPad ?), une nouvelle méthode de publicité et donc de nouvelles sources de revenus encore. Bonne nouvelle.

Un problème réside cependant concernant les modes de lectures. J’ai pu lire ici et là, grâce à des tests d’applications (de magazines hebdo et presse écrites) que la difficulté essentielle résidera dans l’adaptation aux usages pour ce nouveau format et la nécessité d’un accord global sur ces mêmes usages spécifiques, je m’explique : chaque magazine va proposer son interface « propriétaire » avec ses interactions propres et donc sa propre méthode de lecture : glissement vers la droite, défilement vers le bas… Pour un utilisateur averti et habitué à la particularité (instinctive certes) de l’interface tactile, pas de problème; Il trouvera toujours comment se servir d’une application (le glissement de doigt, le double tapotement pour zoomer etc. sont devenus des automatismes)… Tandis que pour un novice ou un nouvel acquéreur, s’il doit découvrir à chaque utilisation d’un nouveau magazine/journal, comment il doit se l’approprier, lire son contenu, je vous laisse imaginer le taux de défection par rapport au produit. C’est une des menaces mais elle n’est pas la seule. La presse ne doit pas tomber dans le piège de la duplication du contenu sous-prétexte du numérique. Il est plus facile de générer un contenu identique que de créer du neuf. C’est d’autant plus vrai dans un monde où la culture de la gratuité s’est imposée massivement en qui concerne la consultation d’informations sur Internet. Nonobstant les dernières évolutions de format d’abonnement en ligne du journal LeFigaro.fr par exemple.

Alors que la sortie de l’iPad a encore été retardé d’un mois (disponibilité française à la fin du mois de mai), les Etats-Unis ont bien accueillis leur nouveau terminal mais nous ne disposons pas encore de retour fiable pour en déduire de quelconques interprétations empiriques. Néanmoins, une chose est sûre : pour plaire, la presse devra séduire en modifiant le rapport entre le lecteur et le journaliste, par un contenu exclusif, apporter une valeur ajoutée non disponible sur le web (et donc par Safari). En d’autres termes, elle ne devra pas uniquement appliquer un tout-bête copier-coller du format imprimé et s’auto-suffire.

Une mise à jour de cet article viendra compléter les arguments avancés ou les réfuter le cas échéant suite à une probable prise en main de l’iPad.
Enfin, et parce qu’il n’y a pas qu’Apple, il faudra suivre de près également les offres proposées par le fabricant Archos qui seront vraisemblablement disponible l’été prochain.

* Le titre de l’article fait référence au slogan : « un appareil magique et révolutionnaire, à un prix incroyable […] » (cf. Apple.com)

Par Paul-Henri Brunet

Passionnément curieux et féru d'objets connectés. @phb sur Twitter.

3 commentaires

  1. Bonne analyse !
    Il y a un excellent dossier à ce sujet dans le dernier Wired, qui montre par exemple que ce n’est pas ce nouveau support qui va sauver la presse (juste par le fait qu’il existe), mais c’est le fait de changer pour apporter quelque chose de nouveau grâce à ce support.

    Son propos était : si vous n’aimez pas lire le NYT en papier, pourquoi iriez-vous l’acheter sur l’iPad ?
    Le simple fait de porter une information d’un support à un autre, ne va pas suffire à lui conférer un intérêt. Il va falloir apporter quelque chose en plus 😉

  2. Cette analyse personnelle mais non moins objective de l’iPad, laisse présager de bons dossiers & articles sur iThink.fr.

    Je reste assez surpris tout de même que le marché s’adapte à une marque et non l’inverse.

    En effet la religiosité de la marque Apple lui confère une puissance qui lui permet d’amener le marché ou bon lui semble, c’est assez effrayant tout de même 🙂

    Bonne continuation !

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