Draw Something, ce nom ne vous dit peut-être rien et pourtant : lancée le 24 février 2012, cette application mobile disponible sur l’App Store et Google Play a jouit d’un succès quasi-immédiat pour devenir l’un des jeux sociaux avec la croissance la plus rapide. Ce jeu, reprenant le principe du célèbre jeu de société Pictionary, a très rapidement obtenu des dizaines de millions de téléchargements, atteignant à la fois la tête du classement des applications gratuites ainsi que des payantes.
La bulle Internet ou spéculation par son récent rachat a-t-elle caché un effet de mode éphémère sous-jacent ? La facilité déconcertante ou accessibilité du jeu a grandement favorisé le succès de ce jeu tourné vers ses amis, ce que l’on nomme jeu « social ».
En mars dernier, le géant des jeux sociaux Zynga rachetait la société à l’origine du jeu, OMGPOP, pour 184 millions de dollars. La plateforme leader du social gaming espérait alors profiter du succès du jeu; sans entrevoir la possibilité qu’il pouvait alors subir les premiers effets d’une mécanique de jeu répétitive avec une perte d’intérêts de ses utilisateurs. Suite à ce rachat, Zynga se félicitait même — au mois d’avril — d’avoir absorbé l’équipe de développeurs basée à New York avec l’annonce de 50 millions de téléchargements en 50 jours (!).
Sur la période avril-mai, Draw Something a en effet perdu 4 millions d’utilisateurs actifs, selon le site d’analyse et de mesure AppData.com (lien). Ce chiffre est tout de même à minimiser dans la mesure où ces données reflètent uniquement les joueurs de Draw Something qui se sont inscrits par l’intermédiaire de leur compte Facebook. En d’autres termes, ceux qui se sont enregistrés via leur e-mail n’apparaissent pas dans ces résultats (voir la courbe ci-dessous).
À noter que Zynga n’a pas répondu immédiatement lorsque la problématique du déclin leur a été posée. Il est certain que les joueurs peuvent se lasser de dessiner à longueur de temps des mots basiques tels que « étoile de mer » (ndlr. starfish dans sa version originale). En outre, la non-disponibilité du jeu en version locale a dû certainement rebuter les joueurs en matière de contenus à explorer. Il n’est pas impossible que la traduction du jeu — et l’adaptation du contenu — constitue un levier efficace pour soutenir la croissance organique favorisant alors son développement, notamment dans d’autres pays.
Les créateurs de FarmVille sont sur le point de développer le business model avec des nouvelles options comme l’intégration de noms de marque : selon le webzine AdAge, Zynga espère générer de nouveaux revenus à partir de son acquisition en proposant aux annonceurs de faire apparaître le nom de leur marque dans les dessins; une façon aussi d’accroître l’intérêt pour le jeu avec du contenu neuf.
Assurer la croissance d’un jeu mobile dans la durée est de plus en plus difficile puisque les utilisateurs sont toujours plus exigeants et ont toujours davantage de choix à disposition (plus de 500 000 apps disponibles pour votre iPhone, iPod touch ou iPad) : le remède et rempart contre l’ennui se trouvent essentiellement dans les mises à jours (plus ou moins incrémentales) visant à pousser le nouveau contenu, les nouvelles fonctions. Aujourd’hui, l’application existe en version payante (sans publicité mais possibilité d’acheter des crédits pour débloquer du contenu) et une version gratuite avec publicité sous forme de bannières au sein de l’appli.
Pourquoi l’adaptation d’un simple jeu de société a-t-elle eu autant de succès ?
Grâce à un système de jeu dit « asynchrone », Draw Something a su répondre au besoin de joueurs (comprendre casual gamer ou joueur occasionnel) en situation de mobilité. Le téléphone mobile permet en effet de profiter d’occasions d’attente pour jouer, sans rester bloqué derrière un écran. Tout comme un système de messagerie classique, vous n’êtes pas obligé de réagir dans l’instantanéité pour interagir, jouer et soumettre votre réponse, soit un dessin pour faire deviner un mot.
L’avantage de ce système de jeu tient dans le fait que les joueurs n’ont nullement besoin d’être connecté en simultané pour échanger et participer conjointement. L’adoption est donc plus aisé puisqu’on dispose de davantage de temps pour jouer : le jeu ne se fait plus sous la contrainte, les parties s’effectuent au fil des échanges. Cette application prend donc le contre-pied de la tendance du « web en temps-réel » (la croissance de Twitter en est l’exemple le plus probant) en partant du principe que les individus ne peuvent pas être disponibilité permanence.
Ainsi, il sera alors intéressant de constater si oui ou non le phénomène Draw Something n’était qu’un simple effet de bouche à oreille et non en rien un véritable phénomène.